Souffle acide du vent, larmes brulantes du ciel. Le monde ne ressemble plus aux paysages d'autrefois. Les cataclysmes ont frappé, des colonnes de flammes et de fumées se sont élevées sur l'horizon. La guerre. La guerre des hommes. Et nous, les loups n'avons eu d'autres choix que de fuir. Nombreux furent nos congénères emportés. Nous traversâmes les plaines cabossées, les forêts de cendres, poursuivis par la faim, traqués par la mort.
Notre salut, nous le devions malheureusement à ceux qui avaient provoqué notre malheur.
Le soir tombe doucement sur le monde, et mes petits yeux bruns scrutent les environs avec excitation. Déjà plusieurs heures que maman est partie et elle n'est pas encore rentrée. Un louveteau normal s'inquiéterait, commencerait à hurler pour l'appeler ou attirer l'attention de son père. Un louveteau normal voudrait se voir rassurer par un membre de sa famille. Mais moi, Koda, je n'ai qu'une envie : profiter de l'absence prolongée de maman pour tirer mon frère hors d'ici et l'emporter avec moi dans une nouvelle aventure. La forêt regorge de jeux et de choses inédites à découvrir, et je ne demande que ça. Mais pour que la vie soit encore plus amusante, j'ai besoin que mon frère soit à mes côtés pour faire ces découvertes. Alors, baillant face à la lune montante, je m'étire de tous mes membres avant de faire demi-tour pour rentrer dans la tanière où dort profondément Audric. Je me couche à plat ventre sur le sol froid, je rampe pour me rapprocher de lui, et je saute brutalement dans sa direction pour l'écraser de tout mon poids. Je suis peut-être fragile, mais il est hors de question que je me morfonde pour ça. Je n'ai pas le temps de me plaindre, la vie m'attend ! J'attrape son oreille entre mes crocs et je tire de toutes mes forces, le secouant de tous les côtés pour le réveiller en mâchonnant son cartilage comme s'il s'était agit de l'oreille d'un lapin à dépecer. Je ricane entre mes dents, puis je commence à le forcer à se lever pour ensuite le mener jusqu'à l'entrée de la tanière. Pas le temps de gémir, frangin, le monde n'attend que nous !
Tout était intensément noir. Délicieusement sombre. Il régnait un calme qui n'avait aucun égal. Le silence était apaisant, et Audric aurait aimé qu'il dure toujours. Le loupiot aimait ces heures de sommeil où, le temps de la nuit, il pouvait se retrouver en tête à tête avec lui-même. Le loupiot avait toujours beaucoup trop de choses en tête ; il comprenait, devinait, pensait beaucoup trop bien. Aussi, ces instants de répit étaient presque bénis. Et puis, d'un coup, l'ombre reposante fut traversée d'un éclair rouge. Un malêtre confus s'installa en lui, comme s'il était assailli de toute part. Il gronda dans sommeil, duquel il était lentement tiré. La douleur se clarifiait, et il sentait son oreille se déchirer. Il mit un moment à comprendre ce qui lui arrivait. Koda.
-Hmm..
Enfin, il ouvrit à demi les yeux. Sa tête était quelques peux entrainée par la force de sa soeur, qui refusait de lâcher l'oreille douloureuse. Soufflant d'abord son impatience, il tira un peu la tête à l’opposé de la truande.
-Koda, arrête...
Sa voix ensommeillée n'eut pas vraiment d'effet, et la jeune louve ne lâcha son oreille que pour venir le bousculer.
- Allez, debout ! Viens jouer ! -C'est bon, c'est bon, j'arrive... un instant, d'accord.. ?
Il se releva péniblement, les pattes encore engourdies. S'ébrouant, il tâcha de ne pas laisser éclater sa frustration. Il jeta cependant un regard noir à la loupiote, coléreux d'avoir été si brutalement réveillé. Pas étonnant qu'elle soit si en forme, faible -ou Maman, mais c'était du pareil au même, l'obligeait à se reposer. Mais lui... Maman ? Audric plissa les yeux, inquiet. Il scruta l’intérieur de la caverne, mais il ne vit qu'une petite louve grise surexcitée. Il soupira ; Maman ne devait pas être bien loin. Il n'était de toute façon pas possible qu'elle s'absente si longtemps. Il reporta ainsi son attention sur sa soeur, étudiant sa proposition ; désormais réveillé, il n'avait plus le coeur au repos. Mais l'idée de sortir seul, au coeur de la nuit, seul avec la loupiote ne le rassurait pas. Maman et Papa n'aimait déjà pas qu'il sorte seul -alors Koda... Et puis il réalise : il pouvait la protéger. Il était un mâle, un loup -comme Papa. Et lui n'était pas faible. Doucement, bien sûr de lui, le louveteau hocha la tête. Il s'avança vers la sortie, se frottant légèrement à sa soeur au passage, taquin.
-Bien. Où est-ce qu'on va ?
(c) Tervilles
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Mar 8 Mar - 16:58
I am the biggest !
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PS : Désolée, j'ai vachement plus traîné que je pensais x.x
J'ai entendu parler d'un endroit super cool. Un endroit où les cadavres pullulent et où l'odeur de mort est si écrasante qu'elle en transforme l'atmosphère en un dôme angoissant. Mais non, contrairement à ce que j'aurais aimé, je ne vais pas entraîner mon frère au cimetière. Je ne suis pas encore assez grande, et j'ai beau être téméraire, je ne le suis pas encore à ce point. Mais un jour, pour sûr, je traînerais Audric jusque là-bas ! Et s'il refuse, je le traiterais de poule mouillée jusqu'à ce qu'il cède par fierté et qu'il s'y rende avec moi ! Je ris encore alors qu'il sort à peine de sa léthargie. La nuit est trop longue pour moi, il faut que nous partions tant que maman est sortie. Elle est partie depuis si longtemps qu'elle risque de revenir d'un moment à l'autre, et il est hors de question que nous perdions davantage de temps ici, à se vautrer dans la tanière comme deux larves. Je le pousse, me propulse dehors et saute dans tous les sens, comme si j'étais un cabris surexcité. Je me jette sur Audric, profite de son réveil tardif pour l'envoyer rouler dans la poussière, et je pars en courant.
- Attrapes-moi Audric !
C'est dans un rire cristallin que je pars comme une furie, me jetant à travers les fourrés pour tenter d'échapper aux crocs et aux griffes de mon frère. Mes courtes pattes frappent le sol avec frénésie, comme si j'avais le diable aux fesses, et je m'efforce de maintenir une allure rapide tout au long de la course poursuite et d'essayer de lui échapper. Je sais qu'il me rattrapera, bien assez vite, alors autant l'éloigner le plus possible de la tanière pour qu'il n'y retourne pas tout de suite après m'avoir eue. Je tourne brutalement sur la droite, et je plonge dans une cavité sombre pour m'y cacher. J'analyse seulement après où je me trouve, identifiant l'endroit comme une énorme racine d'arbre. Je souris et j'écoute, guettant l'arrivée de mon frère.
Le choc fut presque brutal et, ne s'attendant pas à être bousculé, le louveteau se retrouva étalé de tout son long sur le sol. Il grogna légèrement, cherchant du regard sa soeur pour l'en fusiller ; mais la jeune solitaire détalait déjà au loin, surexcitée. Audric était partagé entre l’excitation et le découragement. Il jeta un dernier regard à la tanière et, voyant que personne ne venait les réprimander, il se leva en s’ébrouant. Il fléchit les pattes et s'élança derrière sa sœur, cognant le sol aussi durement que sa force le lui permettait. Les hautes herbes pliaient sous son passage alors qu'il courrait à toute vitesse au travers de la prairie. Par où était-elle passée ? Au hasard, il alla un peu plus à gauche, la langue pendante. Elle pouvait être allé n'importe où.
-Tu vas voir, quand je te rattraperai !
Ne pas crier. Ne pas user ses forces. Le louveteau s'arrêta brusquement ; il ne servait à rien d'aller à l'aveugle. Inutile de faire rouler ses muscles sous le pelage pour prendre la direction opposée. Humer l'air. Par là. Il repartit, ventre à terre, plus lent mais plus discret. Koda était souvent la plus rapide. Elle était plus agile et plus vive que lui ; il fallait contrer ça. Ralentissant de temps à autres, il vérifiait qu'il suivait correctement la piste de la loupiote. Toujours par là. Il se faisait le plus discret possible. Là ! S'arrêtant, Audric observa un instant le gros arbre. Il rampait, le plus silencieusement qu'il était capable, vers sa cible. Il était le grand chasseur en traque d'une proie immense. Avec elle, il pourrait sans mal nourrir toute une meute. Il voulut s'élancer, mais quelque chose craqua au sol. Il eut un grondement de louveteau furieux et se jeta entre les racines où la fourrure de sa soeur dépassait.
-Trouvée !
(c) Tervilles
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Lun 4 Avr - 17:49
I am the biggest !
F: 4 - A: 12 - E: 4
Je reste cachée là pendant de longues, de délicieuses minutes d'un calme qui m'inspire la victoire. Je me retiens à grand peines de rire, et il me faut parfois mettre mes pattes devant ma gueule pour ne pas laisser échapper des gerbes de ma voix ravie. Il ne me trouvera jamais ici, j'en suis vraiment certaine. Pourtant bientôt, l'inquiétude me prend. Et s'il ne me trouvait effectivement jamais ? Et si je restais ici, cachée dans les racines d'un arbre, pour toujours ? La peur s'insinue en moi comme un serpent s'enroulerait autour d'une branche. Elle me prend aux tripes, et il me prend subitement l'envie de m'extirper de ma cachette dans bondissant pour appeler mon frère. Je prie pour qu'il me trouve, tétanisée par la peur d'être découverte par autre chose que Audric ... Ce jeu n'est pas pour moi, je n'y jouerais plus jamais ! La peur de perdre mon frère ou pire, d'être perdue par lui, me fait me sentir mal et je commence à trembler. Mais, rapidement, je me reprends. Je suis faible. Dois-je en plus avoir un mental misérable ? Audric est fort et courageux, je me dois d'être comme lui ! Alors je me concentre, j'inspire profondément et je retiens chacun de mes muscles de mon corps, m'empêchant de bouger malgré l'envie irrépressible de le faire. J'attends, et je prends mon mal en patience jusqu'à ce que mon frère découvre enfin ma cachette. J'entends un craquement dehors. Je reviens mon souffle, aux aguets. Et bientôt, alors que j'extirpe une oreille dans l'idée de me redresser pour essayer de visualiser ce qui se passe, voilà mon frère qui déboule de nulle part et m'écrase de tout son poids, me rassurant du même coup qu'il me fiche la trouille. Je lâche un cri de surprise, le coeur battant, avant de me rouler sous lui et de me mettre à rire à pleins poumons. Quel soulagement !
- Tu m'as fais peur !
Et entre deux éclats de rire, me voilà m'extirpant de son mon frère pour le pousser dans le trou et repartir en courant, veillant cette fois à être bien suivie par Audric. Me cacher, non merci. Mais jouer à s'attraper n'a jamais fait de mal aux louveteaux !
Ils roulèrent un instant dans la poussière, avant que le jeune loup ne se retrouve propulsé dans le trou où se terrait sa soeur, un instant avant. Il resta hébété, posé gauchement sur ses fesses, tout de travers, regardant sa soeur s'éloigner en riant. Il craint un instant qu'elle ne disparaisse de sa vue, mais elle semblait l'attendre. Ravalant un grondement joueur, le jeune loup se redressa pour s'élancer à la suite de la loupiote riante. Il sourit. Ah, ce qu'il aimait la voir ainsi. Heureuse et insouciante. Forte. Loin de la faible louve dont il fallait, d'après Papa et Maman, prendre soin. Ô grand jamais Audric n'aurait laissé un quelque mal être fait à sa soeur. Mais il aimait à pouvoir jouer avec elle. Courir, se trainer dans la poussière comme tous frères et soeurs.
-Tu ne pers rien pour attendre !
Il ne la lâchait pas des yeux, désireux de la rattraper et de la clouer au sol. La loupiote était la plus rapide, mais Audric la dépassait en endurance et en puissance. Il ne la laisserait pas gagner. Il ne laisserait personne gagner. Claquant des mâchoires dans le vide sous l'excitation, Audric s'amusa à transformer sa courses en d'étranges petits bonds. Joyeux. Joyeux comme il n'allait bientôt plus l'être. Triste fatalité dont il n'avait pas conscience. Tout avait disparu ; leur mère étrangement absente, les questions existentielles de la vie. Courir. Courir, et rattraper Koda. Audric redoubla d'efforts, ses pattes le propulsant à toute vitesse vers la jeune louve. Je vais t'avoir, Koda ! Il allait l'avoir. C'était dans sa nature, de gagner. D'avoir. Personne ne pouvait luter contre ça. Plutôt que de continuer à la poursuivre ainsi, le jeune loup décida de prendre par la droite. Il s'enfonça dans les hautes herbes, veillant à ne pas perdre la loupiote de vue. Son envie de jouer se mêlant peu à peu à son instinct de chasseur, il se fit plus silencieux et plus discret, se rapprochant imperceptiblement de la loupiote. Quand, enfin, il fut non loin d'elle, il cria son nom, et se jeta sur elle dans un rire fier.
(c) Tervilles
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Dim 24 Avr - 15:21
I am the biggest !
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D'abord je suis lancée dans une course folle, propulsant mon corps aussi loin et aussi vite que possible en frappant le sol de mes quatre petites pattes pourtant encore si maladroites. Je ris en imaginant mon frère derrière, s'efforçant de me rejoindre et voulant me rattraper. Je ne me fis plus qu'à sa voix, à l'écho de ses pas résonnant à mes oreilles comme une douce mélodie rassurante. Mais, bientôt, plus rien. Le silence, et l'absence d'un frère qui pourtant une seconde avant était encore à ma poursuite. Je commence à ralentir, un doute inquiétant s'insinuant en moi. Je continue de courir mais plus doucement, me demandant si je ne devrais pas m'arrêter pour m'assurer qu'il est toujours dans les parages. Et puis, brutalement, mon nom sort d'un buisson sur ma droite, et avant que j'aie pu avoir peur, le corps de mon frère s'écrase sur le mien et il me plaque au sol dans un rire rauque. Je le rejoins bientôt dans cet amusement disproportionné, riant autant de joie que de nervosité. Je ne le lui avouerais jamais, mais j'ai eu peur. Je roule avec lui dans la poussière et je mords son encolure avec mes crocs pointus comme des aiguilles, cherchant à le dominer même si je n'ai pas la moindre chance d'y arriver. Et alors que nous jouons d'interminables minutes à faire la bagarre comme si nous étions de fiers et solides guerriers, la nuit doucement, fait son apparition et recouvre lentement le ciel au-dessus de nos têtes. Lorsque je réalise que nous sommes partis depuis trop longtemps, il fait déjà sombre autour de nous, et je cesse de jouer lentement pour lancer des regards autour de nous.
- Audric ... On devrait rentrer ...
Maman va nous chercher partout, quand elle rentrera. Papa et elle vont s'inquiéter, et nous allons nous faire gronder. Mais bien sûr, c'est à condition que nous parvenions à rentrer un jour ... Je me sens perdue, tout à coup.
Sous le poids du louvard, Koda chuta. Il l'écrasa de tout son poids dans un grand rire, lui donnant quelques légers coups de pattes tout en montrant les crocs avec une agressivité feinte. Victorieux. Par tendresse, il la laissa assaillir son corps de ses crocs fins mais, sentant soudainement qu'ils étaient plus pointus qu'il ne l'aurait cru, il étouffa un grondement sourd avant de lui même saisir la fourrure de sa soeur, assurant sa prise sur son jeune corps. Serait-il un jour un grand guerrier, dominant de telle façon son adversaire ? Il ne se contenterait pas que de la fourrure. Il ne voulait pas s'en contenter. Il voulait plus. Plus de chaos. Plus d'adrénaline. Plus de défis. Mais Koda n'était pas son ennemi. Etrange frustration.
- Audric ... On devrait rentrer ...
Interloqué, le loupiot cessa d'assaillir sa cadette et releva la tête vers le ciel. Il était sombre. Maman était-elle rentrée ?
-D'accord, Koda. Rentrons.
Il la regarda, les babines étirées par un sourire réconfortant, et vint lécher sa truffe humide. Rien n'était, à ses yeux, plus important qu'elle. Rien n'avait une telle valeur. Il n'aurait donné sa vie pour personne d'autre. Lentement, Audric rebroussa chemin. Par où rentrer ? Les odeurs. Se fier aux odeurs. Là. Ici. Ou là ? Ne pas s'inquiéter. Ils n'étaient sans doutes pas aller loin. Il fallait se montrer confiant, et suivre tant les odeurs que l'instinct. Et prier pour qu'il ne leur arrive rien.